Parmi toutes les personnes infectées par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), il existe une toute petite fraction qui peut contrôler naturellement la réplication du virus. Une étude offre des nouveaux indices sur ce phénomène.
Selon les chiffres de 2018, 37,9 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde. Parmi elles, une toute petite fraction, environ 0,5 %, possède un superpouvoir. Sans traitement antirétroviral, elles parviennent à juguler la réplication du virus en dessous du niveau détectable par les tests sanguins, et cela sur de longues périodes, plusieurs dizaines d’années dans certains cas. Ces personnes séropositives sont appelées les « contrôleurs du VIH ».
Des scientifiques ont détricoté les chromosomes des « contrôleurs du VIH » pour comprendre les différences génomiques existantes entre eux et les autres patients sous traitement antirétroviral. Chez les « contrôleurs du VIH », le génome proviral est coincé dans des régions chromosomiques qui ne favorisent pas du tout sa transcription.
L’ADN proviral du VIH est présent dans des régions chromosomiques peu transcrites
Le VIH est un rétrovirus, dans le virion infectieux, son génome est une molécule d’ARN. Lorsque le virus entre dans la cellule, l’ARN est rétrotranscrit, par la transcriptase inverse, en une molécule d’ADN bicaténaire. Cette molécule d’ADN migre ensuite jusqu’au noyau de la cellule et ira s’intégrer au hasard dans le génome. À ce stade, l’infection peut rester latente plusieurs semaines, voire des années, jusqu’à ce que l’ADN proviral s’excise du génome et reforme des virions infectieux qui provoqueront une lymphocytopénie et l’apparition des symptômes du Sida.
Les chercheurs ont donc recherché tout au long du génome des cellules mononuclées du sang périphérique (PBMC) et des lymphocytes T, les endroits où l’ADN proviral s’est intégré. L’ADN proviral des « contrôleurs du VIH » est plus fréquemment (48 %) situé dans des zones non géniques ou pseudo-géniques des chromosomes que chez le groupe contrôle (17,8 %). Ces régions sont situées à proximité des centromères, dans les régions non codantes ou dans des « déserts de gènes ».
Inversement, l’ADN proviral du virus est très peu présent dans les parties codantes chez les « contrôleurs du VIH » contrairement aux patients nécessitant un traitement antirétroviral. Et lorsqu’il est présent, c’est le plus souvent dans les introns. Un intron est une portion d’un gène qui est transcrite, mais ensuite éliminée lors de l’épissage. La séquence de l’intron n’est pas présente dans l’ARNm et ne correspond à aucune protéine.
Les chromosomes où l’intégration provirale a lieu varient également. Le VIH s’intègre préférentiellement dans le chromosome 1 chez les patients sous antirétroviraux alors que pour les « contrôleurs du VIH », c’est plutôt sur le chromosome 19.
Un phénomène dû au hasard ?
L’ADN proviral est donc situé dans des régions chromosomiques qui ne favorisent pas sa transcription et cela explique en partie les longues périodes de latence que connaissent les « contrôleurs du VIH ». Pour quelles raisons le génome irait s’intégrer dans une région défavorable ?
À cette question, les chercheurs proposent une réponse : chez les « contrôleurs du VIH », les lymphocytes T dans lesquels on a pu identifier des transcrits viraux sont beaucoup moins nombreux que chez les patients sous traitement. Ils pensent donc que l’emplacement spécifique de l’ADN proviral dans le génome des contrôleurs VIH n’est pas dû au hasard de l’intégration, mais à une action du système immunitaire qui a éliminé les cellules les plus permissives à la transcription virale.